Une architecture singulière, témoin d’une rupture historique
L’école d’art a intégré en 1977 le bâtiment de 7 026 m2 dessiné par l’architecte Claude Pradel-Lebar. Appartenant à la ville, le terrain est constitué d’une parcelle de 8 150 m2 attenante au Pavillon Vendôme, joyau baroque du patrimoine d’Aix-en-Provence.
Conçu dans le prolongement de la réforme des enseignements artistiques de 1973, le bâtiment de l’école est contemporain d’une rupture historique avec les canons de l’Académie. La singularité de l’œuvre réside dans sa traduction spatiale de ce changement d’approche théorique. En s’inscrivant dans le sillage de la pensée post-1968, le décloisonnement des pratiques artistiques est ici interprété directement dans le projet architectural, favorisant un modèle d’enseignement de l’art par l’art où tous les usagers, enseignants (artistes) et étudiants (artistes en formation), deviennent acteurs de nouvelles dynamiques de création.
L’œuvre s’inscrit dans la pensée de l’architecture moderne. Les espaces dégagés sont destinés aux circulations, les locaux sont larges et lumineux, les toitures sont horizontales. Le plan demeure libre, avec la suppression des murs porteurs autorisée par les structures en béton armé. Celles-ci permettent de libérer l’espace et de le découper indépendamment de l’enveloppe qui l’abrite. Fenêtres en bandeaux et façades sont libres. La luminosité des espaces de travail constitue une prouesse technique de l’architecte : cinq sheds, puits de lumière ouverts vers le Nord, apportent aux principaux ateliers un éclairage naturel indirect. Les matériaux utilisés pour le bâtiment sont typiques du modernisme architectural : fer-acier, béton et verre.
L’école a été pensée sur deux niveaux et un sous-sol. Ici, les espaces rayonnent autour d’une place centrale, à la manière d’un souk. Plusieurs grandes salles constituent des blocs connectés les uns aux autres, qu’il est possible de parcourir en traversant chacun des ateliers. Avec son système de passerelles sur deux niveaux, la conception architecturale permet une libre circulation dans les espaces. Le point de convergence autour duquel s’articule cette distribution élaborée est l’amphithéâtre, lieu central de réunion, de réception des artistes et théoriciens, lieu de débats et d’éducation à la citoyenneté. Tous les espaces de l’école ont été pensés pour être visibles les uns des autres et depuis l’extérieur, grâce à l’enroulement du bâtiment autour de cet axe central.
Mais au-delà de cette expression architecturale singulière, il convient d’observer les liens qu’entretient l’édifice avec l’espace public avoisinant. En effet, l’insertion urbaine du bâtiment prévoit plusieurs ouvertures sur la ville, dégageant une perspective vers le jardin à la française du Pavillon Vendôme et favorisant son accessibilité par différents points d’entrées. Les accès de l’école sont jumelés avec des façades ouvertes (surfaces vitrées) permettant la circulation des regards et une interaction forte avec les habitants du quartier. Le bâtiment comporte enfin un système de pare-soleils issus du vocabulaire architectural de la modernité développé dans les cultures extra-occidentales.
Le projet de Claude Pradel-Lebar reflète les choix politiques en matière d’équipements culturels de la France au début des années 1970, principalement l’accessibilité de l’art au plus grand nombre. Il est utile de rappeler, enfin, que l’école d’art a été construite à la même époque que la Fondation Vasarely inaugurée en 1976 à Aix-en-Provence. Architecte diplômé par le gouvernement, Claude Pradel-Lebar a été le conseiller de Victor Vasarely pour la réalisation des 42 œuvres monumentales de la Fondation, dont il fut directeur de 1975 à 1982.
Un bâtiment labellisé « architecture contemporaine remarquable »
En juillet 2019, l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence Félix Ciccolini a reçu le label « Architecture contemporaine remarquable » décerné par le ministère de la Culture.
Ce label, anciennement « Patrimoine du XXe siècle », répertorie les édifices de moins de 100 ans présentant un caractère innovant ou expérimental dans leur conception architecturale, urbaine, paysagère ou dans leur réalisation technique.
L’objectif est de valoriser des constructions singulières, d’établir un lien entre le patrimoine ancien et l’architecture actuelle, d’inciter à la réutilisation des œuvres en les adaptant aux attentes des citoyens (écologique, mémorielle, sociétale, économique…).
Pour l’école d’Aix-en-Provence, il s’agit donc maintenant de valoriser le bâtiment d’origine en le libérant des contraintes qui lui ont été appliquées depuis sa construction et de protéger son patrimoine architectural.
Vers une « rénovation douce »
Le concept d’intervention architecturale « douce » permet d’honorer le lien entre l’édifice et ses usagers dans un respect du bâtiment et de son histoire. En effet, l’école d’Aix-en-Provence est le manifeste d’une pédagogie artistique des années 1960 et 1970 et ce lien historique détermine son vocabulaire architectural. L’évolution du bâtiment passe donc par une compréhension et un respect de cette idée d’origine, ainsi que par la revalorisation des espaces existants.
Il s’agira donc de travailler dans un esprit d’intervention raisonnée, de décroissance et d’éco-responsabilité lors de la rénovation de l’école programmée sur un cycle de 3 ans en 2020, 2021 et 2022.